Derniers résultats sur les fortifications de Shabwa (...) suite

Quelque temps plus tard, à l’emplacement de l’actuel hameau de al-Hagar, une troisième ligne de fortification est édifiée alors que la seconde est localement rectifiée. La citadelle est totalement englobée à l’intérieur d’une enceinte qui se développe vers le sud. Son périmètre est estimé à 850 m environ dont 685 m reconnu (une partie de la muraille a été emportée par les crues du wâdî) et la surface circonscrite est proche de 5 ha dont 3,7 ha au sud de al-Hagar. La citadelle, véritable pivot et initialement isolée de la ville sur une hauteur, devient alors partie prenante du réseau défensif. Aucune fouille archéologique n’a pu être menée dans ce quartier aujourd’hui recouvert par les ruines du village qui était encore occupé il y a quelques décennies. L’implantation de cette enceinte complémentaire a sans nul doute transformé le secteur défensif situé aux alentours de la porte n° 5 qui devint une des articulations du système. A l’extrémité sud de ce quartier clos, en éperon entre les wâdîs ‘Atf et Ma’shar, une nouvelle porte n°10 s’ouvre vers le sud-est6, l’oasis et les réseaux irrigués de l’amont de la vallée.

 

Conclusion

 

La capitale du royaume de Hadhramawt, excentrée par rapport au cœur de son territoire centré autour de la vallée de la rivière éponyme, a su bâtir un système de défense diversifié. Outre sa position stratégique au pied du grand plateau calcaire du Jawl et au milieu du débouché d’une vallée qui la met à l’abri d’attaques surprises, la ville a été installée au centre d’un triangle de collines qui lui assurent une première protection.

Trois types d’architecture garantissent sa sécurité.

 

Tout d’abord l’édification de maisons-tours construites sur de hauts soubassements de pierre (Breton-Darles 1995 : 449-457 et Darles 1998 : 3-26). Ces bâtiments fortifiés, dont l’accès se situe « à l’étage », forment une protection à ses habitants qui peuvent s’y replier et soutenir momentanément un siège7.

La réalisation de plusieurs lignes continues de fortifications permet de garantir la sécurité de trois zones distinctes : une zone densément peuplée - « Shabwa intra-muros » -, un vaste espace vide - la dépression d’as-Sabkha- manifestement destiné à des occupations temporaires et à l’exploitation des mines de sel (Breton 2007b), enfin un quartier « sud », autour et au sud de la citadelle. Distinct des deux autres entités, nous n’en connaissons ni la densité d’occupation ni ses particularités morphologiques. Ces trois lignes de rempart ne sont pas construites sur le même modèle. La première enceinte consiste en une suite de saillants et de rentrants. La deuxième, qui couronne les collines, comprend une paroi maçonnée à crémaillère à l’abri d’un large glacis de galets. Elle est renforcée par des bastions d’appuis, ou des redoutes, qui dominent les champs irrigués et d’où l’on peut surveiller très loin jusqu’aux dunes de sable du Ramlat as-Sabatayn’. Ce rempart est épisodiquement redoublé par une deuxième ligne de courtines et de saillants munis de flanquements. La troisième ligne de fortification est construite avec un large massif de briques crues protégé à l’extérieur par un mur parfaitement parementé en moyen appareil.

 

La citadelle est un édifice initialement isolé qui sera, dans un deuxième temps, rattaché aux remparts. Elle domine la vallée et le secteur sud-est de la ville en direction du plateau de l’Hadhramawt. Le bâtiment, long d’une quarantaine de mètres et totalement enfoui sous le village d’al-Hagar, n’est que partiellement visible. Il n’a jamais fait l’objet de fouilles archéologiques.

 

Le traitement de l’ensemble des données recueillies sur les fortifications de Shabwa permet aujourd’hui de proposer des hypothèses de restitution du système défensif ainsi que des séquences d’un développement urbain qui n’est pas sans rappeler celui d’autres cités d’Arabie du nord (Breton 2000 : 850-853 et Breton 2007a).

 

Notes :

1/ Suite à une incompréhension scientifique, ce sondage n’a pas pu être totalement terminé en 2003.

2/ Nous proposons comme hypothèse de travail la présence des portes n°1, n°3 et n°5. La porte n° 3 mènerait par une voirie directement aux premiers établissements où sera installé, lors d’une phase ultérieure, le grand temple. Les portes n° 1 et n° 5 sont reliées par un passage qui longe l’éperon d’al-‘Aqab.

3/ Des fragments de charbon découverts dans le mortier de la tour de Dar al-Kafir ont pu être datés. Beta 189252, Dar al-Kafir, 2200 +/- 40 BP, 380-190 av , calibration 1 sygma.

4/ La porte 1 a fait l’objet d’une campagne de fouilles par R.Audouin en 1976 –chantier VI-. Cette fouille a été suivie, en 1978, par des dégagements menés par Ch. Darles et J. Seigne. Les résultats apparaîtront dans l’ouvrage monographique qui sera, en 2009, consacré aux « Fortifications de Shabwa, analyse structurelle et approches comparatives » par Ch. Darles.

5/ 2270 +/- 50 BP soit 389-382 av. en datation calibrée. Breton 2000, p.861.

6/ La porte 10 a fait l’objet d’une campagne de fouilles durant l’hiver 1974-1975 par P. Gouin – chantier I-. Les résultats apparaîtront dans l’ouvrage monographique cité en note 6.

7/ Aux alentours de l’an 230 de l’ère chrétienne, le palais Shaqar’ a été investi par les sabéens, il subira alors un long siège par les habitants de la ville. Assoiffés et prêts à se rendre à leurs assaillants, ils sont libérés par le roi sabéen Sha’r Awtar. L’inscription de Mârib (al-Iryâni 13) relate également que la ville est alors entièrement incendiée. L’inscription Ja 949 (RES 4912), gravée sur un rocher au pied du piton d’al-‘Uqla,  mentionne la reconstruction du palais royal Shaqar’ ainsi que celle du temple (Breton 2003 : 208-209).

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